Escape game : des énigmes et des jeux pour mieux recruter

Face aux tensions de recrutement de conducteurs, France Travail a invité des entreprises de transport de marchandises à découvrir d’autres méthodes de recrutement. Le temps d’un escape game, recruteurs et candidats se sont rencontrés, sous couvert d’anonymat, afin de résoudre des énigmes. À la clé, une meilleure détection des savoir-être et des échanges plus authentiques.

Dans le département du Rhône, recruter des conducteurs de poids lourds est devenu un vrai casse-tête. « On est sur des métiers avec une certaine pénibilité, ce qui peut expliquer la pénurie », avance Justine Casanova, correspondante RH de l’entreprise Heppner. Afin de répondre à cette problématique, Raja Boudarra, conseillère entreprise au sein de l’agence France Travail de Lyon Part-Dieu, a proposé à plusieurs employeurs de participer à une expérience inhabituelle : un escape game. « Il fallait sortir de l’entretien classique pour recruter », explique-t-elle. C’est ainsi qu’en juin, six entreprises et douze demandeurs d’emploi ont été réunis le temps d’une matinée au centre de formation Promotrans de Mions, en présence de la branche professionnelle de l’Association pour le développement de la Formation professionnelle dans les Transports (AFT).

Un recrutement ludique en mode incognito

Avant la mise en place du dispositif, certaines entreprises du secteur avaient fait remonter leurs attentes à France Travail, notamment vis-à-vis des candidats. Parmi les points d’amélioration évoqués : leur posture, l’autonomie, le travail d’équipe, et le danger au volant. C’est sur cette base que France Travail et Promotrans ont concocté des énigmes aménagées dans un semi-remorque ainsi qu’un atelier de sensibilisation sur la conduite en état d’ivresse.

Autre particularité, et non des moindres, deux équipes mixtes composées d’employeurs et de demandeurs d’emploi ont été formées, sans que personne ne sache qui est qui. « L’anonymat était nécessaire pour que les employeurs puissent observer l’attitude des candidats, comme leur façon de communiquer avec les autres », précise Raja Boudarra.

L'escape game comprenait plusieurs activités. Il y avait un quiz sur le transport et la logistique. Une épreuve demandait à un groupe de guider l'autre pour reconstituer un camion en modèle réduit. Un autre jeu testait les connaissances en RSE. Enfin, un circuit devait être traversé les yeux bandés, sans causer d'accident, guidé par les participants. « On s’est tous pris au jeu rapidement. Ça a permis de voir les réflexes de certains de façon ludique », s’amuse Justine Casanova.

Déceler les savoir-être autrement

Pour les employeurs, l’enjeu est clair : repérer des savoir-être qu’un entretien classique ne permet pas de voir. « Il peut être difficile d’évaluer les savoir-être lors d’un entretien classique, d’où l’idée d’en retirer le stress avec l’escape game », explique Raja Boudarra. Pour Damien Buchoux, responsable RH de la société BH Groupe, les savoir-être sont essentiels : « Le premier commercial de l’entreprise, et donc la première image de celle-ci auprès de nos clients, c’est le conducteur routier. » Selon lui, l’anonymat permet de retirer un poids qui peut être présent en entretien. « Pour les candidats, c’était moins intimidant que d’être derrière une table et ça a atténué les a priori de tout le monde », ajoute-t-il.

À travers ce dispositif, Raja Boudarra souhaitait répondre aux attentes des entreprises avec un recrutement plus fluide tout en mettant à l’aise les deux parties. « Les échanges informels ont permis de créer une cohésion entre les recruteurs et les candidats », constate la conseillère France Travail. Sur le terrain, le pari semble tenu pour les recruteurs. « J’ai pu voir des personnes réactives avec des réflexions intéressantes qui en disent long sur leur personnalité, leurs valeurs et leur vision du métier », souligne Justine Casanova. Même son de cloche pour le responsable RH de BH Groupe : « Habituellement, un candidat nous montre ce qu’il a envie de nous montrer. Le fait d’être sous anonymat permet de rebattre les cartes. »

Une rencontre qui casse les codes

En s’éloignant de l’habituel diptyque CV/entretien, l’escape game a invité les candidats à adopter une attitude moins formelle, et les employeurs à questionner leur propre rapport au recrutement. « L’authenticité favorisée par ce dispositif permet de cibler une personnalité qui comprend nos valeurs et possède une vision différente du recrutement. » relate la correspondante RH de Heppner.

Si certains employeurs ont pu avoir quelques surprises, notamment en prenant des candidats pour des recruteurs, ils ont surtout pu constater les effets bénéfiques de l’escape game sur leur propre façon de socialiser. « La complexité des jeux nous a permis de créer des liens de confiance sur des moments de réflexion », note Justice Casanova. Selon elle, sélectionner des CV peut s’avérer chronophage et ne garantit pas toujours un recrutement à la fin. Un manque de fiabilité qu’elle n’a pas retrouvé ici : « Je suis convaincue que ce dispositif va porter ses fruits en termes de recrutement sur la longue durée. »

Pour les employeurs, les retombées d’expérience louent l’originalité de l’initiative. « On arrive dans une ère où l’on va accorder plus d’importance à la personnalité qu’aux diplômes. Ce genre de dispositif est donc viable sur le long terme », conclut Damien Buchoux.

« On arrive dans une ère où l’on va accorder plus d’importance à la personnalité qu’aux diplômes. Ce genre de dispositif est donc viable sur le long terme », Damien Buchoux, responsable RH de la société BH Groupe

« L’authenticité favorisée par ce dispositif permet de cibler une personnalité qui comprend nos valeurs et possède une vision différente du recrutement. », Justine Casanova,correspondante RH, entreprise Heppner.