« Il n’est pas plus compliqué de manager un jeune aujourd’hui qu’un salarié avec 15 ans d’expérience »

Recruter des jeunes salariés, surtout s’ils se montrent exigeants, peut représenter un défi. Mais il existe des solutions pratiques, comme celles proposées par Julien Leclercq, entrepreneur et auteur de Recherche (désespérément) salariés. 

Dans un marché du travail en tension, les entreprises doivent redoubler d’ingéniosité pour recruter et retenir les jeunes salariés. Entre quête de sens, ambitions personnelles et besoin de stabilité financière, les attentes de la génération née après 2001 bouleversent les pratiques classiques du recrutement. A cela s’ajoute un contexte économique complexe qui limite les marges de manœuvre financières. Des problématiques auxquelles s’est confronté Julien Leclercq. L’auteur du livre Salaud de Patron ! (2018) pour lequel il s’est entretenu avec plus de 4 000 chefs d’entreprise, a acheté un restaurant en pleine pandémie de Covid. Dans Recherche (désespérément) salariés, publié en avril 2025, il explore les mutations du monde du travail et analyse ses propres erreurs. Il propose des pistes concrètes pour recruter des salariés de moins de trente ans.  

Vous avez expérimenté les difficultés de recrutement en reprenant un restaurant en pleine pandémie. Quelles leçons en tirez-vous ?

Julien Leclercq : Le principal constat, c’est que le marché de l’emploi fonctionne en décalage. D’un côté, des employeurs peinent à embaucher ; de l’autre, des jeunes cherchent des postes qui répondent à leurs aspirations. La crise post-Covid a exacerbé ce phénomène. Avant, ça me semblait lointain : dans mon agence de presse, pour un poste, j’ai 250 candidatures en une semaine.
Lorsque j’ai repris un restaurant en 2020, j’ai vécu cette problématique de plein fouet. Une semaine avant la réouverture, on avait tout pour réussir, l’emplacement, la carte, les fournisseurs locaux… sauf une équipe. Nous avons vécu trois ans de galère, de recrutement à la va-vite, d’arrêts maladie en série. Cela nous a obligés à revoir notre stratégie et tester des solutions...


« Ce qu’ils veulent ? Du sens, du respect, de la liberté. » 

Les attentes des jeunes générations vous semblent-elles irréalistes ?

JL : Je citerai Orelsan, qui chante : « toutes les générations disent que celle d’après fait n’importe quoi ». Je trouve qu’il n'est pas plus compliqué de manager un jeune aujourd'hui qu’un salarié avec 15 ans d’expérience. Le vrai sujet c’est celui du chemin qu’on leur propose. C’est vrai cependant qu’ils expriment leurs attentes plus directement, et parfois maladroitement. Ce qu’ils veulent ? Du sens, du respect, de la liberté. Cette quête de sens, comme la recherche d’équilibre entre vie professionnelle et privée était déjà au cœur des débats il y a 60 ans !

Quelles solutions probantes pour les TPE-PME avez-vous expérimentées

JL : Après des décennies où les enquêtes RH montraient une autre tendance, la question de la rémunération est revenue au cœur des préoccupations, avec l’inflation. Dans la restauration, les marges sont faibles, donc il est difficile de faire des miracles, mais on a mis en place des primes de fidélité, des primes d’intéressement sur le chiffre d’affaires. Et on a joué sur la flexibilité en actionnant divers leviers : solutions de logement, aide à la mobilité qui est un vrai sujet en ruralité… Et surtout, on a proposé la semaine de 4 jours. Trois jours de repos garantis par semaine : c’est ce qui a tout changé. Dans un secteur où travailler le week-end est indispensable, cela a surpris tout le monde. Mais c’est précisément ce qui a attiré les candidats. Nous avons réussi à monter une équipe complète en quelques semaines, du jamais-vu ! Sur 28 salariés, 23 ont accepté, certains sont même passés à trois jours. Résultat : personne n’a quitté le navire avant la fin de la saison. Et la fierté du travail accompli n’avait rien à voir avec les années précédentes !


“Valoriser la reconnaissance et le bien-être”  

Comment avez-vous adapté votre management ?

JL : Nous avons renoncé au management pyramidal. Nous nous y efforçons autant que possible. Cela demande beaucoup d’écoute, des entretiens réguliers, de l’intelligence collective. Dans la restauration, métier très directif par nécessité, c'était un vrai défi. Mais instaurer de la douceur dans un univers parfois rude, ça a tout changé. La restauration, par nature, a du sens : on donne du bonheur aux gens, on crée du lien social. Il suffisait de reconnecter l'équipe à cette mission.

Quel message souhaitez-vous faire passer avec votre livre, notamment aux recruteurs

JL : Il existe de nombreux outils pour repenser le travail, et imposer les mêmes solutions à tout le monde est une absurdité. La semaine de 4 jours, les congés plus libres, la confiance... cela ne fonctionne pas partout de la même façon, mais il faut accepter de tester, d’observer les pratiques différentes, d’écouter.  L’adaptabilité est la clé : intégrer des dispositifs innovants, proposer des parcours évolutifs, valoriser la reconnaissance et le bien-être. Les entreprises qui refusent de s’adapter risquent de voir leurs difficultés de recrutement s’aggraver. En revanche, celles qui prennent le virage du changement constateront vite les bénéfices d’une équipe plus engagée et plus stable !

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