UNIQUES : Bakary Meïté, un rugbyman engagé pour l’égalité des chances

Ancien 3e ligne, international ivoirien, passé notamment par Béziers, Carcassonne ou encore le Stade Français, Bakary Meïté est avant tout un homme engagé. Contre le racisme, contre les inégalités, contre toute forme de discrimination. Participer à Uniques ? Une évidence pour ce sportif de haut niveau qui porte haut les valeurs d’altruisme et de solidarité. Interview.


 

Vous allez participer à l’événement Uniques, pour l’égalité des chances, mais que signifie pour vous être «unique» ?

Pour moi, être unique c'est proposer quelque chose de différent dans un ensemble, dans une communauté ou dans un dans un groupe. Avoir de la singularité, être différent, et mettre cette singularité et ces différences au service de tout un groupe, du collectif, au service des autres. Quand on m'a proposé d’intervenir à Reims dans le cadre de cet événement Uniques, j'ai tout de suite dit « oui ». C'est une manière de dépoussiérer un peu la recherche d’emploi, et ce qui la freine. On peut facilement avoir honte de se retrouver sans emploi. Aller à la recherche d'un emploi, même en sachant qu’il y a du travail pour tout le monde, c'est toujours une démarche assez difficile. Donc, sensibiliser les gens à l'égalité des chances, ça permet, pourquoi pas, d'effacer un peu ce sentiment de honte et de donner l’envie et l’énergie d’y aller.

Vous avez une belle carrière de rugbyman professionnel et de coach, mais j'ai vu surtout que vous étiez quelqu'un d'engagé. Vous n'hésitez pas à prendre la parole pour défendre vos valeurs, vos principes. D'où vous vient cet engagement ?

L’engagement fait partie de mon éducation et des valeurs qui m'ont été inculquées. Et la principale valeur que je porte vraiment chevillée au corps, c'est l'altruisme. Etre tourné vers les autres. Je ne m'envisage que comme ça, au service d'un collectif ou au service d'autres personnes. C'est quelque chose qui m'a toujours animé.Je suis issu d’une famille nombreuse où on est obligé d'être altruiste, on n’a pas le choix. C'est quelque chose qui s'impose très vite à nous, on ne peut pas devenir quelqu’un d’autocentré ou d’égoïste. Ce sont cette éducation et ces valeurs-là qui ont forgé mon parcours en m’incitant toujours à aller vers les autres, à aider, à donner de ma personne au service des autres.

Votre engagement va bien au-delà de votre parole, il vous a notamment incité à vous faire embaucher à Sainte-Périne, hôpital gériatrique du XVIe arrondissement de Paris comme agent d’entretien, au moment du premier confinement. Ce n’est pas vraiment banal pour un sportif de haut niveau…

La vie est une succession d'opportunités. Après, il faut voir ce qu’on fait de ces opportunités qui se présentent à vous. De moi-même, je n'aurais pas franchi le pas pour aller travailler dans cet hôpital. C'est un concours de circonstances et j'ai saisi la balle au bond. Il y a des rencontres, des moments dans la vie qui vous font basculer. C'était l’un de ces moments-là. J'aurais très bien pu passer à autre chose. Mais j'avais comme tout le monde la sensation qu'on vivait un moment unique, que l'humanité a rarement vécu, et je me suis dit qu'il fallait sans doute faire quelque chose et pas seulement prendre la parole.

Pour la manifestation Uniques pour l’égalité des chances, votre intervention porte sur les liens entre sport et travail. Que pouvez-vous nous en dire ?

Il y a beaucoup d'analogies entre le monde du travail et celui du sport en général, individuel ou collectif. Dans le sport, on trouve la notion de don de soi comme dans le monde du travail, quand on se dévoue entièrement à une tâche. On donne de son temps, de son énergie, ce sont des analogies facilement identifiables. Et puis effectivement, dans les sports collectifs, le travail d'équipe et le management sont, comme en entreprise, essentiels. Le rôle de manager peut s'assimiler au rôle d'entraîneur, les collaborateurs comme des coéquipiers doivent travailler dans le même sens pour arriver à un but collectif.Tous ces liens existent et souvent, il me semble que le monde de l'entreprise fait appel à l’expertise de grands entraîneurs pour essayer de créer du lien, créer un esprit collectif, une dynamique de groupe. Il n’est pas rare que les entreprises fassent appel à des sportifs pour intervenir dans des séminaires ou qu’elles investissent des lieux hautement symboliques, comme des centres d'entraînement ou des stades.

Quels sont vos projets dans les prochains mois ?

J’entraîne les féminines du Stade Français à Paris, on va terminer la saison.Mais j'ai envie de continuer à entraîner. J'ai également des engagements en Côte d'Ivoire, notamment auprès d'un club de de rugby là-bas. Mais là j’ai surtout envie d’écrire parce que j'adore écrire. C'est vrai que je n’y consacre pas suffisamment de temps, j'écris de façon beaucoup trop espacée dans le temps. Mais j'aimerais me consacrer à l'écriture d'un deuxième livre.

 

Les chiffons bleus, Baky Meïté, paru aux Editions du Seuil, 2022

Un jour de printemps, lors du premier confinement, oubliant le rugby qui jusque-là comblait son existence, Baky Meité, sportif professionnel, se fait embaucher à Sainte-Périne, hôpital gériatrique du XVIe arrondissement de Paris. Il y est engagé comme agent d’entretien, un poste bien modeste mais qui lui permet de lutter à sa manière, discrète et concrète, contre cette saleté de virus. Là, il mène un quotidien d’humilité : des jours entiers à désinfecter les rampes, les poignées de porte, les extincteurs, à arpenter en tous sens les couloirs. Le travail est répétitif, harassant, mais Baky, colosse zélé, puise auprès de collègues virevoltants une énergie fantastique. Il se présente lui-même avec dérision comme un «homme-chiffon», affublé de serpillières bleues, «l’homme qui ne laisse pas de trace». Voici le récit de ses heures parmi les travailleurs invisibles et sacrifiés, soignant et nettoyant sans relâche pour faire tourner l’hôpital avec une humanité réconfortante.... A lire absolument !